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Souvenirs de papier

 

Je veux ce soir écrire

Mes souvenirs de toi.

Dessiner mes rêveries

Aux courbes vagabondes

Des lettres,

Reconnaître dans les « o », les cercles

De tes lunettes bohèmes.

 

Tu apparais soudain, sifflotant dans la lande,

Etendu sur le lit du papier végétal à regarder le ciel,

Te perdant au relief du vague cosmos.

Tu comptes les étoiles embuées à mes iris qui te dévorent

Et corrigent les fautes de l’histoire mal écrite.

Toi, étendu dans l’herbe perlée,

Souriant à la nocturne de mon ombre rose.

 

Ô magie des mains inspirées !

Te faire rire, courir, danser !

Et au moment de fuir,

T’immobiliser là.

 

Voilà que d’un mot, tu rejoins les autres statues qui hantent

Le promontoire granitique.

Au visage triste piqué de quartz, blotti dans le chaos des rocs,

J’offre un ami.

Pour que jamais plus tu ne caresses d’autres ailes.

Que ton ombre-silhouette ne se dévoile

Qu’au soleil de ma lampe-tempête.

 

L’encre enracine un « nous » osé,

En imprègne l’humus de la feuille poreuse.

Tu répétais : « oser, c’est espérer ».

Je regarde s’étendre les branches

De l’arbre imaginaire à l’éther fertile du buvard.

Plus tard, j’enterrerai le poème sous mon écorce,

J'écouterai jaunir le papier tissé de rides,

J'embrasserai tes yeux derrière leurs « o »

A l’encre vert-d’eau délavée.

La nuit, près de mon oreille,

J’écouterai résonner au papier froissé par le vent,

Un souffle.

Ton rire lointain.

L’approche du néant.

Aurore de fer

 

Une lune gigantesque brûle les toits.

Au mur, l’ombre muette d’un autobus

Fait sursauter le chien qui rôde.

Pavé luisant,

Espoir bleu croissant.

 

La gare attire en son foyer les

Fourmis éveillées.

Je m’installe dans le ronron

Du train imaginaire.

 

Le rêve se met en marche et

Le monde accélère.

Paris, au bout de l’univers,

A un goût de café machine.

 

La pluie habite ici,

Délicate et bohème.

Au pavé, les gouttes applaudissent 

La valse de l'accordéon.

Nos Yeux verts

 

Tes yeux verts dans mes yeux verts

Ton sourire dans mon sourire

Nos yeux verts,

Qui ne sont pas verts d’habitude.

 

Que lorsqu’ils se reflètent

Dans la lumière de l’autre,

Se perdent l’un dans l’autre.

 

Tes yeux verts qui embrassent

En regardant ma bouche,

Des baisers qui confient

Ce que les voix protègent,

Que les peaux se racontent.

 

Tes yeux verts dans mes yeux verts

Ton sourire dans mon sourire

Nos yeux verts,

Qui ne sont pas verts d’habitude.

Sunrise

Ce matin,

le soleil s'est levé sur la mer.

Il a murmuré fort que tout était

encore possible.

Puis deux mouettes sont venues

picorer sur la grève.

Je les ai écoutées discuter

derrière leurs becs clos.

Elles se demandaient quels dessins l’oreiller

avait tracé sur la peau de ta joue.

Tu ne me manques pas plus

qu’un autre jour.

C’est juste ça,

vivre sans toi.

Oasis

 

Ô Toi, homme de bois,

Carapace d’écorce craquelée de sourires,

Retourne à ta forêt !

Quitte ma mémoire désertique !

De l’autre côté de la rivière je t’accompagne,

Je te rends ta liberté.

Comme à l’oiseau perdu,

un instant

Trop aimé.

Pluie de mer

 

Pluie sur une

Qui pleure

Au bord de la mer.

La mer déborde par le ciel

et rend ses larmes à leur

intarissable source.

Douce, l’eau lave

La blessure ouverte.

Saturé de sucs lacrymaux,

L’océan cristallise une banquise

Aux contours tristesse.

 

Pluie sur toi

Qui tangue

Au bord de la mer.

 

Ne te noie pas dans de mauvaises eaux.

Ouvre les yeux derrière tes larmes et vois !

Ton essence, aux algues qui dansent.

Cyanobactéries antédiluviennes.

Un jour, à la Terre, elles ont offert la vie.

Ta saumâtrerie les bien fait rire !

Le cimetière de Jugan

 

Cimetière abandonné.

Le poids des ans fait choir les croix trop lourdes

Déposées à côté de leurs tombes,

Epuisées de porter leurs ombres.

 

La forêt offre un peu de fraîcheur.

Granit rugueux,

Violet tendre des jacinthes des bois,

Myosotis.

Un soleil vagabond

Joue entre les branches, inonde les pierres sèches

De vagues sans ressac.

 

Sous de jeunes rameaux,

un banc couleur d’écorce,

Abandonné entre deux mondes,

Espère des promeneurs d’un autre temps.

 

La vie est passée.

Sous les fougères,

Des visages de marbre

Et un peu de rosée.

 

J’aime les croix perchées

Aux sommets des églises.

Elles appellent les yeux

À avaler le ciel,

Le bleu.

 

Et leurs ombres portées sur les murs du matin

tendent un perchoir doré,

Un attrape-rêve à ceux

Qui ont perdu

Leurs plumes

A trop chanter.

Aux villes orphelines

 

#standwithukraine

 

Du haut de la colline je contemple

Le visage d’une ville que j’aime.

 

Fond de mer asséché, cristallisations cubiques,

Un géant rejoindrait l’horizon à cloche-pied!

Des oies libres me narguent d’un beau « V »,

épiant les romances aux cocktails des toits terrasses.

 

L’université chante de jeunes années aux fêtes insouciantes.

Les rues foisonnent de souvenirs, de rires,

d’échos de découvertes,

de décisions prises sur les pavés.

 

Cette ville est belle,

Belle du monde qui l’arpente.

 

Quelques vieillards flâneurs glanent des soupires

Sous les bancs ignorés,

des retrouvailles aux vitrines nostalgiques.

Des êtres se regardent, se croisent, se frôlent, s’activent pour que chacun déniche ce dont il a besoin

au quotidien.

 

Une fourmilière costumée, écosystème symbiotique de pierres et de peaux,

Hématies qui frétillent dans la nuit et dont la danse rouge des phares

dévoile des abris à ceux qui crèchent sous la voûte

Des lampadaires.

 

La marée vibre, déferle dans les ruelles étroites et sur les grands boulevards,

fissure aux murs les stigmates de nos respirations.

La ville revêt l’âme de ceux qui l’habitent.

Un miroir aux civilisations.

 

On lui ressemble, avec le temps !

On adapte nos pas à ses dédales,

Nos allures à son pouls,

On décore de cheveux verts ses toits, ses squares, greffant aux lieux une qualité à vivre.

Compagnons peu envahissants,

Précieux, comme de discrets voisins.

 

Du haut de mon tertre, je reconnais fleurir un peu de mes racines dans les parcs entretenus. Trop délicates, pour oser les faucher.

 

Soudain, je tressaille.

Un vent d’effroi s’invite et me fait frissonner.

Une rafale soufrée à la traine hurlante

bouscule les nuages.

 

Des bombes tombent du ciel.

 

Sous mes yeux impuissants s’écroulent les façades qui,

tels des livres, renfermaient mon histoire.

Les pages s’embrasent,

partent en fumée.

La ville se consume,

Hurle.

Étouffe.

 

Des plâtres noircis avalent mon ombre aux murs que je rase

Et mon identité s’effrite sous les roues de la voiture qui accélère. Le monde se dissout dans un nuage

de poussière meurtrie.

 

La ville affronte le combat.

La pluie haineuse ruisselle aux toits des larmes métalliques, rejoint les rigoles, les berges des pavés, trébuche,

et à la fin, se noie,

dans les remous opaques

des fleuves citadins.

 

Le cauchemar s’est dissipé mais son souvenir me hante.

Il marche sur mes talons.

Sous le crépuscule rose des brumes lyonnaises, je perçois

L’onde de choc.

Les peuples démolis.

Le grondement de la guerre.

Les gémissements lointains de mondes renversés

ébranlent les mémoires érigées dans les pierres.

 

L’air du soir,

ce soir,

Escorte la complainte

Des villes orphelines

Toi, homme de bois,

Carapace d’écorce craquelée de sourires,

Retourne à ta forêt !

Quitte ma mémoire désertique !

De l’autre côté de la rivière je t’accompagne.

Je te rends ta liberté.

Comme à l’oiseau perdu, un instant

Trop aimé.

Éveil d’automne

 

Dans le train du matin,

à moitié endormie sous une écharpe brune,

une écharpe d’angoisse,

de trop de travail,

de trop de limites,

l’aube brume l'éveille 

à la fraîche douceur

de l’existence.

 

Aux feuilles ocre des platanes de l'ancienne école,

Aux étourneaux,

Aux moufles de son petit frère.

 

À ces gestes osés qui font vibrer le corps

que d’exister pleinement, envers et contre soi.

Devant ses yeux vivants, elle déchiffre

quelques pages écrites

dans sa langue à elle,

des lignes écrites pour elle.

 

Des poings mi-clos s’enfuit

un train de poésie.

 

Et toute à sa course vagabonde

elle ne remarque pas

qu’aux cheveux mouillés qui tombent à ses épaules,

les reflets orangés ne sont plus ceux

des lampes métalliques de la gare,

mais les ondes sanguines du soleil

qui palpite,

et roussit de son ombre

les rails enforestées

de ce début d’automne.

Giboulées

 

Au soleil, je rayonne,

Aucun rêve n’y résiste!

Sous la pluie, je me délecte

d’une noyade nostalgique.

Aucun vers n’y résiste!

 

Mais les giboulées de printemps,

Ô combien je les déteste !

Reflets trop évidents de l'hésitation

Entre tous les possibles.

Rire grinçant du soleil

Sur la tombe secrètement creusée.

 

Son rayon perce à jour

La fleur de peau

Moribonde.

 

L' esprit ne sait plus

Quelle transe danser,

Quel dieu adorer !

 

Soudain, passe un nuage lourd.

Si le soleil gagne, la journée est perdue.

Il est trop tard pour aimer la lumière.

 

Si c’est la pluie qui gagne,

Il y aura à la fenêtre

De la poésie ce soir.

Réalités virTUailes

 

Traverse !

 

Ne t’abandonne pas, jamais.

Marche, autant de tours d’île qu’il le faut.

Vois ! L’empreinte de tes pas à ses sentiers,

Ils ne tournent pas en rond, ils s’ancrent dans la terre.

Tu existes, solide et matériel.

 

Ne t’évapore pas.

Observe le ciel, l’océan.

Tu es aussi vaste qu’eux, arrimés à l’horizon.

 

Balaie ce bleu artificiel qui avale ton reflet,

Cette lumière de sable qui étouffe ton feu.

Puise à l’orage et ferme les paupières.

Laisse l’été masser tes tempes.

 

C’est fini,

Tu ne te perdras plus aux toiles virtuelles,

A ces labyrinthes de sables mouvants.

Ta main sait encore tenir le crayon, le marteau, le pinceau,

S’agripper au réel.

 

Laisse-là te guider vers ce magicien qui parfois s’égare,

Panique,

S’engourdit,

Mais ne cesse de respirer,

 

Toi.

 

Derrière ce rideau trouble, entends-tu l’écho de leurs voix vives ?

La vie est là, juste derrière l’écran !

Derrière la cascade

De néant.

 

Traverse !

Fossile

 

A travers le pare-brise poussiéreux

les nuages se sont arrêtés.

Je stoppe, sors de l’engin.

Ciel de toile figée

cyan jauni

atmosphère craquelée,

faux plafond de cathédrale

qui ne trompe plus l’œil.

 

Le vent lointain emporte le souffle de vie

qui intimait d’avancer, pas après pas,

dans l’entrainement instinctif du mouvement

qui suit le mouvement.

 

Je lève les yeux sur les champs en pâture morte.

Silence sec d’aquarium vide.

 

J'inspire

une longue bouffée d’oxygène trouble.

Est-ce la dernière ?

 

Chancelante, je vacille au seuil

d’une réalité pétrifiée qui court vers moi,

s’enracine dans la terre hagarde,

ensevelit la détresse.

 

Les yeux s’enfoncent 

dans leurs orbites,

comme l’eau s’infiltre

dans les fissures

du sol du désert.

 

Tarissement des ruisseaux

et des regards neufs.

Asphyxiées, les émotions cristallisent

une mer stérile.

 

Placide, entre deux secondes de sable

je m’installe,

ferme les yeux.

 

Bras tendus vers l’inutile attente

d'un avenir flottant,

engloutie dans les échos

anaérobiques je précipite

une créature 

carcasse de sel.

Un fossile en devenir.

L’église de Lancieux

 

Au sommet de son tertre,

Artificielle île-en-terre,

L’église scrute, par les fentes myopes de son clocher,

La mer.

 

Butée, la vieille cloche tinte l’heure

aux habitants de l’océan

poissons affairés

seiches trop pressées.

Complainte nostalgique du temps où ses pierres mêlaient leurs racines au ressac enveloppant.

Côtoyaient le vivant.

Le vent disperse le frêle écho de l’appel.

Le soleil trompe le théâtre des ombres et, au mur,

sèche quelques larmes pailletées, embruns oubliés

A la dernière tourmente.

 

Au milieu du jardin trop bien entretenu,

Abandonnée à sa mémoire, l’église attend.

Elle sursaute au portillon poussé par un silence vagabond.

En secret, elle espère les embrassades turbulentes

Des saisons dominicales,

Lorsque les jeunes tempêtes

Lui confesseront leurs effronteries légères,

aspergeant en riant, la peau fissurée de

Ses joues.

Granite pâlissant

Sous regard de vitrail.